Voilà un ouvrage passionnant, même si l'abord est austère et le premier contact un peu indigeste.
A mon sens, une construction totalement inversée l'aurait rendu plus abordable.
La conclusion, qui ré-exprime par la voix du petit-fils de Franklin et
Eleanor Roosevelt, le rêve de ces deux fondateurs, qui fut l'étincelle
créative menant à l'existence de la SDN, puis des Nations Unies, aurait
du être placée en introduction, pour expliquer la genèse.
Ensuite, on aurait pu avoir les entretiens des cinq secrétaires généraux
des Nations Unies successifs expliquant leurs parcours et leurs
actions.
Et enfin, les commentaires des cinq observateurs avertis de l'action de l'institution.
La présence de la charte des Nations Unies en fin d'ouvrage est en revanche très bien vue.
Toutefois, même si l'articulation de l'ouvrage semble inversée, il
représente une formidable grille d'appréciation des actions de l'ONU, de
ses réussites, de ses manquements, et de sa fidélité à un concept
originel positif mais utopique, peu révisé depuis lors.
Car tout est là, dans ce cocktail originel fait en partie de constats
réels, d'actions concrètes et de principes magnifiques énoncés, mais
aussi de heurts constants à une réalpolitique, de manque de pragmatisme,
d'une volonté de négation des rapports de force qui président aux
relations internationales. Quelque part, d'une volonté de négation de la
nature humaine fondamentale, bien plus ambivalente et avec un fond
auto-destructeur, que ne le rêvent les utopistes des Nations-Unies.
Les différents observateurs avertis comme l'auteur Romuald Sciora, Noam
Chomski, ou David Bosco constatent tous la difficulté de l'institution à
éviter les conflits et les génocides. Ils constatent tous la primauté
d'organes de remplacement à vocation plus économique, comme le G20. Ils
dénoncent l'incapacité de l'institution à se réformer en profondeur,
pour s'adapter à un monde nouveau et globalisé, avec peu de
ressemblances avec celui de 1945, date de l'avènement de l'ONU.
Tous redoutent le délitement progressif, puis complet, de la capacité de
l'ONU à peser sur la destinée des pays et à régler les conflits de
manière pacifique. Ceci à cause d' un mélange de fonctionnement interne
dévoyé, noyauté par des états membres travaillant surtout à préserver
leurs souverainetés nationales, et de concepts de base désuets, qui
aboutissent à une vague action de consultation politique, au mieux de
discussions, ayant peu d'applications concrètes engageantes.
Les différents secrétaires généraux parlent eux aussi d'une nécessaire
et incontournable transformation et réforme de l'ONU. S'ils soulignent
quelques succès et la primauté de la diplomatie qui doit être maintenue,
ils confient que la mondialisation, l'interconnexion des économies,
l'apparition de la virtualité, d'Internet et des nouvelles technologies,
l'apparition de nouvelles formes de menaces, rendent les anciennes
structures internes et le pouvoir de l'ONU bien impuissants.
Les nombreux conflits actuels, le terrorisme, les dégradations
climatiques, les mouvements de populations, la perte de confiance des
peuples envers leurs dirigeants même dans des démocraties anciennes, le
fossé entre riches et pauvres qui se creuse, rendent désuets, trop longs
et inefficaces les phases d'analyse des concepts de cercles vertueux de
la paix, de cercles vicieux et de proportion de responsabilité des uns
et des autres.
Les délais de réflexion doivent être réduits, les actions concrètes,
humanitaires, de médiation ou d'envois de casques bleus pour
interposition , accélérées. Second point de transformation primordial:
le fonctionnement interne, politique, doit être rendu réellement plus
neutre et engageant, évitant à l'ONU de devenir progressivement une
institution, servant surtout de théâtre aux rapports de force des états
membres, qui luttent avec des arrières-pensées peu altruistes, à coup de
droit de véto bloquant, qui ramènent les discussions à la case départ.
Un ouvrage qui montre bien la difficulté d'une institution basée sur un
concept en partie utopique et fait de bons sentiments, mais composée
d'êtres humains....à faire réellement œuvre utile.
L'espoir d'une réforme et d'une action réellement utile à l'échelle du
monde, désormais globalisé, pointe toutefois son nez par certains
interstices, sans toutefois convaincre pour l'instant.
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