Il y a un avant, et un après
Voyage au bout de la nuit. Une lecture honnête et sensible du roman de
Céline ne peut pas laisser indifférent. La perception de la société, de l'homme,
est durablement modifiée par la découverte du livre. Au début du roman, l'auteur
entame cette couche d'être sociable, éclairé et civilisé qui constitue la cape
du cigare humain. Au-fur et à mesure du roman, il attaque la couche inférieure,
puis la tripe, pour ne laisser qu'une vague ossature, à l'équilibre fragile,
vouée à retourner à la poussière dont elle est issue. Les restes de chair
constituent crument le met fétiche des vers-de-terre. Sous nos yeux se déroule
le délitement progressif et inéluctable de Bardamu, médecin de son état, et être
pourtant inséré dans la dimension sociale des choses. Progressivement, à force
de tailler dans les chairs, de réparer, d'écouter les maux réels et imaginaires
de ses contemporains, le médecin va recouvrer une lucidité féroce et totale
concernant la condition de l'être humain. Il perd d'abord cette distanciation
toute médicale, puis cette capacité salvatrice au refoulement, et enfin toute
possibilité de résilience. La dépression la plus sévère résulte de cette
objectivité totale et sans concessions. Bientôt, il ne reste plus que le
squelette de Bardamu, le squelette de la condition humaine, débarrassé de tous
ses oripeaux sociaux et uniquement habillé de son immense inutilité et de sa
totale fragilité. Attention, cet ouvrage mériterait le tampon "Explicit Lyrics"
sur la première de couverture. Une alerte pour que les lecteurs potentiels
traversant une petite crise de moins-bien remettent la découverte à plus tard.
Le livre fait l'effet d'une dose d'acide sulfurique sur un matériel humain. Il
fait fondre les couches, et place chacun face à son miroir de manière violente,
sans concessions, brutalement. Le style superbe, épuré, clinique, y contribue.
Génial, mais après cette lecture il est difficile de briguer toute promotion, de
nourrir toute ambition, de se montrer optimiste et constructif, tant votre
propre condition vous semble totalement vaine et les artefacts sociaux
totalement artificiels.
Décrispez vos zygomatiques ! Articles humoristiques soulignant par de subtils jeux de mots l'aspect absurde de l'existence. Contractez une saine addiction au Dergroodtisme aigu et à l'esprit critique. Littérature et Polars vous y aideront, au travers des critiques et des ouvrages ciblés commercialisés sur le Badblogclub. Découvrez aussi les dernières tendances sociétales et les quartiers de Paris.
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